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Blague à part : un projet pour que les personnes avec un handicap ne soient plus à part

Blague à part : un projet pour que les personnes avec un handicap ne soient plus à part
2 juin 2023

Dans cette nouvelle, Zoé Nadeau-Vachon, diplômée 2022 en Écriture humoristique nous fait part de son expérience comme stagiaire au Centre communautaire Radisson.

Dans le cadre de mon parcours en écriture humoristique à l’École nationale de l’humour (ÉNH), j’ai eu l’occasion de réaliser plusieurs stages dans différents milieux : une boîte de production, un gala Juste pour rire et… un centre communautaire.

Non, ce n’était pas pour compléter mes heures de services communautaires, mais plutôt pour participer à l’écriture de capsules humoristiques avec des personnes ayant un handicap physique, un projet de sensibilisation en collaboration avec l’ÉNH. Retour sur cette expérience qui fut aussi enrichissante pour les participants que pour les représentants de l’école.  

 

L’humour s’invite au Centre communautaire Radisson

Le Centre communautaire Radisson œuvre auprès d’adultes ayant un handicap physique. Chaque jour, il accueille ses membres avec différentes activités leur permettant d’apprendre, de s’impliquer dans une cause qui leur tient à cœur ou de socialiser. L’automne dernier, l’atelier Blague à part, donné par l’ÉNH, figurait à l’horaire.

C’est dans le cadre d’un financement du programme de la pratique artistique amateur de la ville de Montréal que le Centre Radisson a fait appel à l’ÉNH. Cette bourse permet à des organismes communautaires de bénéficier de services d’artistes afin de collaborer à des projets artistiques de sensibilisation. Cette année, le centre communautaire a choisi de se tourner vers le rire : « C’est un programme qu’on a déjà eu dans le passé, donc on a déjà exploré d’autres types artistiques et on n’avait pas encore eu la chance de faire de l’humour, explique Alexia Fauvre, animatrice et responsable du milieu de vie au Centre Radisson. On sait que l’improvisation, ce sont des ateliers qui marchaient bien ici, donc on voulait pousser plus loin et voir aussi les autres facettes de l’humour. »

Ainsi, pendant quatorze semaines, chaque mercredi, l’humoriste Bourque animait un atelier d’humour auprès d’une douzaine de participants. Chaque cours comprenait de la théorie, des exercices d’initiation à l’humour et, surtout, une période de travail sur le projet final du programme : la création de cinq capsules humoristiques pour sensibiliser le grand public à la réalité des personnes vivant avec un handicap.

 

Des vidéos qui entendent à rire

C’est ici que Marie-Noël, également stagiaire en écriture, Patrick Guérard, réalisateur, et moi-même, entité consciente reflétée par le « je », entrions en jeu. Notre mission était de conceptualiser et d’écrire les scénarios des capsules à partir des idées et des témoignages des participants. Dès le début, la consigne était claire : il était hors de question de verser dans le mélodramatique. « On ne veut pas faire pitié! », ont répété à plusieurs reprises les participants.

Le but premier des capsules était de faire rire. Mais elles étaient aussi l’occasion de mettre de l’avant des personnes avec un handicap, qui sont souvent invisibilisées dans notre société. « Pour moi, c’était important de sensibiliser les gens aux différentes formes de handicaps, surtout que moi je n’ai pas un que les gens en fauteuil, témoigne Daniil Galaktionov, qui fréquente le Centre Radisson depuis 2020. […] S’il y a une chose que j’aimerais que les gens retiennent des capsules, c’est qu’on a une vie, qu’on n’est pas juste handicapés. »

Après avoir assisté à plusieurs ateliers, Marie-Noël et moi avons planché sur les scénarios, les retravaillant au fil des échanges avec le groupe. Les textes étaient ensuite interprétés par les participants lors de deux journées de tournage.

Finalement, ce sont cinq capsules qui ont été réalisées, articulées autour des thèmes de l’invisibilité, les étiquettes, l’impatience, la différence et l’infantilisation. Chacune combine de courts segments de stand-up, de sketchs et de témoignages, pour un résultat rythmé et punché.  

L’humour pour connecter et dédramatiser

Encore une fois, l’humour prouve sa capacité à transmettre efficacement un message, mais aussi à connecter les gens et à rendre le quotidien un peu plus léger. Parce que le projet Blague à part, c’est avant tout une expérience humaine. L’humour aura permis aux participants de dédramatiser certaines situations et de se dévictimiser, selon Alexia Fauvre : « L’humour permet de tourner le négatif vers le positif, de faire un switch. Je trouve que c’est une force, parce qu’ils en riaient déjà, mais là, on leur donne encore plus la crédibilité de se dire « OK, on peut rire de notre situation aussi ». Il y a aussi une évolution dans les témoignages. Avant, ils partageaient vraiment des témoignages plus lourds de ce qu’il leur arrive, et plus ça avance, plus ils essaient de voir l’aspect comique dans la situation. »

Malgré le caractère humoristique des ateliers, le projet fût aussi une occasion pour les participants de militer pour une cause qui leur tient à cœur. « C’est pas du monde résigné, du monde qui ont lancé la serviette. Ils veulent que leur message soit entendu, qu’on puisse les reconnaître », partage l’humoriste Serge Yvan Bourque.

De mon côté, je me sens vraiment choyée d’avoir pu prendre part à ce projet où, pour une rare fois, mes blagues servaient une cause sociale plutôt qu’à roaster violemment mes amis. Je crois sincèrement que l’humour et, surtout, l’autodérision sont une excellente façon de faire tomber les barrières entre les gens et d’encourager le dialogue.

 

 

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